Si Floradel rouvrit un jour les yeux, c'est sans doute grâce au froid glacial qu'elle sentit dans son ventre, dans ses jambes puis dans l'intégralité de son corps. Peut-être la douleur aussi, sûrement un miracle. Quelque part, dans les Brumes, un Dieu ou une Déesse devait l'aimer pour que cela se déroule ainsi. Quoiqu'il en soit, une chose anormale influençait le destin.
Elle battit des paupières, et tenta de regarder devant elle. Rien. Une blancheur sans pareil. Un silence total, et de tous côtés, du blanc à perte de vue. Elle frissonna. Dans ses hanches pulsait une incroyable déchirure, comme si...
Du sang lui tâchait les mains et ses vêtements en étaient imbibés. Un sang noircis, froid. Pas d'humidité ambiante. Du sang coagulé, seulement. Floradel tenta de se lever. La brusque et violente bourrasque de douleur lui arracha un gémissement, et elle se laissa retomber. Personne ne pouvait l'aider ?
Elle ferma les yeux, inspirant et expirant pour ne pas céder à la panique, et voulut détailler un peu plus le lieu où elle se trouvait.
Où était-elle ?
Autour, tout semblait toujours d'un blanc pur. Laiteux. Pas d'ombres, rien. Comme si elle était... au Paradis ? Stupide. Elle n'aurait jamais eu mal, au Paradis.

A force de scruter la lumière, ses yeux s'adaptèrent et, au loin, elle put distinguer une lisière d'ombre. Une lisière d'arbres, même. Sans se lever, elle pivôta lentement sur elle-même pour observer de l'autre côté.
Elle en eut le souffle coupé.
A quelques mètres d'elle, dans la plaine enneigée se trouvait le corps de Léandre, inerte. Son coeur se serra. Tout le monde avait le droit de mourir, devait mourir un jour. Pas lui. Il était si exemplaire...

Floradel rassembla toutes ses forces pour comprimer sa poitrine en ignorant son abdomen douloureux, et hurla. Quelque chose entre la plainte et le cri de peur. Peut-être quelqu'un entendrait...

Le froid continuait de s'insinuer en elle, et, n'osant pas regarder ni toucher sa blessure, elle s'allongea de nouveau dans la neige. Inspirant et expirant lentement, elle se remémora les évènements. Ses derniers instants. Quelque chose n'allait pas. Elle n'aurait pas du survivre. C'était... anormal.

- J'ai froid...

Les pensées de Léandre ne s'orientait plus que vers cette seule et unique constatation. Il avait froid... il faut dire que le temps passé allongé dans la neige n'avait pas amélioré son état: tous ses membres étaient raides au possible et son système nerveux avait commencé à ralentir ne lui offrant que très peu de possibilités quand à la diversité de ses pensées.

Dans l'état actuel des choses, Léandre était incapable de faire autre chose que cela, penser. Il sentait que le moindre mouvement était au dessus de ses forces mais le froid continuait son avancée destructrice. La glace s'infiltrait partout: dans son heaume, dans son armure, dans ses bottes, refroidissant tout ce qui pouvait encore l'être et inconsciemment Léandre sentait sa fin approcher. De toute façon à quoi bon lutter? Il n'avait rien pu faire pour sauver ces gens au fort. Ils étaient tous morts maintenant, pourquoi lui aurait-il le droit de continuer à vivre.

Mais quelque chose le dérangeait. Quelque chose qui perturbait ce silence glacial. Un bruit, assez sonore qui plus est... On aurait dis... qu'est-ce que ça pouvait bien être? Il connaissait le mot pour décrire ce genre de bruit assourdissant vous vrillant les tympans aux frontières de la mort il en était sur...

Un cri! C'était un cri! Léandre sentit une bouffée d'énergie l'envahir tandis que toute cette réflexion activait son cerveau. De plus, il voulait savoir d'où provenait ce cri. Il semblait proche... Or d'après ses vagues souvenirs, une seule personne était proche de lui avant qu'il ne s'effondre. Son sang recommença à circuler plus vite tandis qu'il luttait de toutes ses forces pour remonter du gouffre sans fin dans lequel il était tombé. Cette soudaine activité lui fit prendre conscience de l'épaisse couche de neige qui le recouvrait et il se mit à grelotter de froid activant encore la circulation.

Enfin, avec un effort surhumain, il ouvrit un œil... puis l'autre pour contempler le mur de glace qui avait envahi son casque. Pas suffisant... Encore un effort... Sa respiration s'accéléra tandis qu'il repliait lentement mais surement ses doigts, refermant ses poings sur la neige qui crissa sous la pression. Puis il ramena ses bras vers le heaume qu'il dégagea à grand peine avant de les laisser retomber, essoufflé après cette période d'inactivité.

Le froid envahit immédiatement son casque mais l'air frais lui fit le plus grand bien. Totalement réveillé à présent, il lutta encore quelques instants pour se relever péniblement sur un coude. Là, devant lui, à l'endroit où il l'avait laissée, gisait Floradel... A la différence près que ses yeux n'étaient plus vitreux et que la buée s'échappant de ses lèvres prouvait qu'elle était vivante. N'osant y croire, Léandre mit un temps avant de réussir à placer quelques mots correctement:
- Madame? Vous m'entendez?

Le silence était tout aussi prenant que le froid. Floradel serrait les dents et, malgré ses prières répétées, ne parvenait à lutter contre les vagues de douleur procurées par l'alliance gelée de la neige contre elle, et sa blessure dans le dos. Calmant sa respiration en s'appuyant les mains contre l'abdomen, elle cherchait toujours un point où raccrocher son regard, quelque part au delà du réel.
Des volutes de fumées semblaient tournoyer autour, ou plutôt, sur elle. En elle. Elle n'aurait pu le dire. Lentement.
- Madame? Vous m'entendez?
Elle sursauta, ce qui eut pour effet de contracter les muscles dans son dos et ses hanches et lui arracha un soupir de souffrance. Son esprit s'embruma. Léandre ? Léandre ? Etait-ce sa voix ?
-Lé...andre ?

Un mouvement à l'extrémité de son champ de vision accéléra son rythme cardiaque. Une once d'espoir s'infiltra en elle tandis qu'elle tentait de nouveau de se redresser au prix d'un effort colossal. Sans cesser de gémir, elle parvint à dégager ses omoplates du matelas glacé, et à s'asseoir. Elle se plia bientôt dans l'autre sens en fermant les yeux, la douleur revenant comme un essaim de milliers de piqures.

Léandre le savait. Il n'avait jamais eu de chance que ce soit au jeu ou dans la vie -quoi que tout bien considéré, le fait d'être encore en vie après tant d'épreuves fasse sans doute de lui l'homme le plus chanceux du monde- mais là, il sentait vraiment que quelqu'un le détestait là-haut. Il ne savait pas qui mais il en était sur.

L'orc qui venait de sortir du fourré était une caricature même de sa race: très grand, très fort, avec deux petits yeux, un groin et... un corps d'orc quoi! Léandre ne savait pas grand chose de cette race... sinon qu'ils vivaient à Kyr et qu'ils aimaient se taper dessus.

A bien y réfléchir, peut-être était-ce leur salut qui se présentait là. Dame Keena semblait vraiment mal en point -après tout elle avait pris un coup d'épée censé être mortel- et lui ne valait guère mieux. Mais l'énorme hache qui pendait au côté de l'être verdâtre ne lui inspirait guère confiance.

Tentant de se rappeler très rapidement s'il avait jamais croisé des orcs dans sa vie et si ceux-ci avait été quelque peu amicaux, Léandre réfléchissait également au moyen de persuader le mastodonte de les aider. Au final, il réalisa qu'ils n'avaient pas d'argent, rien de précieux ou qui puisse se revendre cher et à part faire appel à la bonté naturel de l'orc -idée qui lui arracha un rictus de désespoir tellement cela semblait perdu d'avance- ils n'avaient pas d'autres moyen de s'en tirer.
"Va falloir jouer serrer..." pensa-t-il.

Concentrant ses maigres forces sur ce seul et unique but, il rampa misérablement de quelques centimètres pour se placer entre l'orc et Dame Floradel -soldat un jour soldat toujours- et d'une voix faible s'adressa à l'orc:
- Messire... Aidez nous... s'il-vous-plait...

Pitoyable... Mais ses forces ne lui permettaient guère d'en dire plus et qu'importe son honneur, qu'importe qu'il rampe à terre devant un orc si c'était pour accomplir son devoir. Sa vie ne valait pas plus que ça, il était là pour protéger le maire d'Avoriaz et c'est ce qu'il ferait. Il redressa la tête et regarda directement l'orc dans les yeux... Qu'allait-il décider? A cette distance, il faudrait un miracle pour que sa hache le rate.
"Allez! Toi qui me hait là haut, tu peux faire un effort... juste pour cette fois!"

Après être arrivé devant l'humain, Bariök rangea son arme en voyant dans quel état il se trouvait. Il s'était placé entre la femelle et entre l' orc. Alors qu'il semblait exténué,il gardait une volonté de fer.

"En voilà un qui a du cran"

C'était un humain qui intimait le respect et Bariök ne pouvait nier se fait. Ça musculature était impressionnante et son regard gris et froid pouvaient intimider n'importe qu'elle créature. Malgré sa récurrence des humains, Bariök ne pouvait s'empêcher de penser qu'il ferait un valeureux adversaire. Il remarqua qu'il était blessé à la hanche.

- Messire... Aidez nous... s'il-vous-plait...

L'homme s'adressait à lui. C'était bien la première fois qu'un humain ait put parler à un orc sans aucune méprise. Cela était sans doute dû à la situation mais il ne put s'empêcher de sourire. Cela valait-il la peine vraiment de les aider? L'humain était réveillé mais en ce qui concerne l'humaine, elle semblait inconsciente et en piteux état. Su sang coulait du dos. Une énorme plaie béante était au centre de son dos. Était-ce l'humain au sol qui lui avait fait cela? Si oui pourquoi?

"De toute façon, j'ai l'impression qu'il est trop tard"

Après une longue hésitation,Bariök décida d'aider l'humain au regard d'acier. Il n'y avait pas de raison à cela mais il se sentait obligé de lui porter secour.

"Humf, il a interrait à me payer un chope de bière si on rentre"

-C'est d'accord, je vais t'aider.

-C'est d'accord, je vais t'aider.

Léandre mit un certain temps avant de percuter. La voix rauque de l'orc n'avait elle pas à l'instant prononcé quelque chose d'intelligible? Lorsqu'il comprit enfin les paroles de l'humanoïde, il sentit une vague de soulagement l'envahir. Se retournant vers Floradel qui s'était légèrement redressée:
- Madame tenez bon, nous allons nous en sortir...

Inspirant avec difficulté, il se retourna vers l'orc:
-Aidez là d'abord... S'il vous plait. Nous avons été attaqués par des gobelins... Il nous faut... aller à Avoriaz... Vous savez où c'est?

Il fut interrompu par une violente quinte de toux, les séjours allongés dans la neige par moins cinq degrés sont très fortement déconseillés pour la santé. La quinte passa laissant Léandre pantelant. Il sentait chacune de ses contusions et chacun de ses bleus comme s'ils avaient une conscience propre et qu'ils voulaient qu'on les remarque. De plus il avait sans doute quelques cotes cassées au vu de la douleur qu'il ressentait.

L'effort qu'il avait fait pour se redresser l'avait épuisé et il s'affala dans la neige de nouveau. Toutefois, ses yeux ne manquaient aucuns faits et gestes de l'orc. Sa main tâta vaguement sa taille et y rencontra le métal froid de la garde. Le sabre était toujours en place... Était il en un seul morceau ça il ne le sentait pas.

Il sentit la torpeur qui tentait de le regagner de nouveau aussi se secoua-t-il en se redressant de nouveau bien que l'effort le fasse grimacer. Une autre question lui trottait en tête: ils étaient gravement blessés -Floradel tout du moins- en sortant du fort mais ils avaient survécus. Se pouvait il qu'il y en ait d'autres qui aient pu s'enfuir à temps. Il était trop affaiblis pour tenter de se retourner dans la direction du poste mais il se promit qu'une fois arrivé et remis sur pieds, il s'occuperait des gobelins et enverrait une troupe solidement armée examiner les alentours du fort.

-Aidez là d'abord... S'il vous plait. Nous avons été attaqués par des gobelins... Il nous faut...
aller à Avoriaz... Vous savez où c'est?

Bariök fut étonné par le désir d'aider l'humaine inerte. Elle semblait morte depuis un moment mais dans le doute, et surtout devant volonté de l'humain, il décida de ne pas prendre de risques. Apparemment, leurs destinations était Avariaz. Le trajet vers la cité était relativement sûre mais l'humain avait parlé de gobelin. Ces sales bêtes, lâches et sans aucun honneur était ce qui avait de pire à combattre. Toujours à attaquer en groupes et sans arrêt à frapper dans le dos. Cela répulsait Bariök à l'idée de se battre contres de si vils créatures.

L'humain tenta de se relever mais il s'étala dans la neige. Il avait été bléssé par la bataille contres les gobelins. Il l'aida à se relever et prit l'humaine pour la poser sur son cheval. La neige était alors fraiche, aucune trace de pas n'étaient visibles. Il inspecta de plus près la neige mais rien à faire, il ne vit rien. Il avait neigé la nuit.

"Ils doivent êtres là depuis, au mieux, hier"

Il fallait qu'ils partent dès maintenant. Si tout s' était déroulé la veille, il fallait partir et vite, les gobelins pouvaient encore être dans les parages.

Le cheval marcha dans une ornière, tirant Léandre de sa torpeur. Complètement épuisé, son regard vide s'attarda sur la chevelure rousse qui se mouvait devant lui, son esprit embrumé tentant d'identifier cette chose étrange qui ressemblait vaguement à une marée de poils. Puis il prit conscience de ce qui l'entourait: la forêt... Le silence... Son employeuse... Un cheval... Un orc... Un orc? Et les évènements lui revinrent en mémoire.

Combien de temps s'était-il assoupi... Plus important: étaient-ils encore loin? Le colosse vert marchait devant, tirant la monture par la bride. Il constata qu'il était assis sur la dite monture, derrière Floradel qui ne semblait guère allée mieux. Le vent glacial fouetta violemment son corps engourdi. En tournant la tête il aperçu son sabre qui pendait mollement à sa taille, en un seul morceau. De toute façon, il aurait été bien incapable de s'en servir... Il se demandait même comment il parvenait à tenir en selle.

Le crissement des sabots de la bêtes sur la neige lui fit remarquer qu'ils n'empruntaient aucune route officielle:
-Pourquoi... sommes... pas... la route?

Question à laquelle il aurait lui même pu répondre s'il s'était rappelé qu'une armée de gobelins débiles rodait dans les parages. Il commença tout de même à s'inquiéter en constatant que même les muscles de ses mâchoires semblaient incapables de bouger et il se demanda combien de temps il lui faudrait rien que pour tenir debout. S'il n'avait que quelques côtes cassées, il lui faudrait une bonne nuit de repos et ne pas trop se surmener pour leur permettre de se ressouder. il constata presque avec amusement qu'il pensait beaucoup pour quelqu'un incapable de bouger. Au moins, cela le tenait éveillé.

Un oiseau lança un cri aigu tandis qu'il les survolait. Un pâle rayon de soleil éblouit Léandre en se reflétant dans l'armure de la mairesse et il détourna les yeux concentrant plutôt ses pensées sur la question existentielle de savoir si la neige qu'il apercevait était déjà blanche lorsqu'elle se formait là-haut dans les nuages. il se laissait bercer par le pas lassant de la bête et il peinait à garder les yeux ouverts. Pourtant il ne pouvait se laisser aller au sommeil, il serait encore plus qu'inutile s'il ronflait à poings fermés lors d'une attaque, ne serait-ce que pour protéger la mairesse en se faisant embrocher sur une lance. Luttant contre le sommeil, il continua à délibérer intérieurement sur les flocons de neige.

Quand elle reprit connaissance, une fois encore, ses jambes étaient endolories. L'intérieur de ses cuisses frottait quelque chose d'à la fois chaud et agréable, et d'à la fois trop râpeux et mouvant, provoquant une douleur de plus dans son fessier et le bas de son dos. Elle tenta de bouger, de se recaler correctement, inconsciemment.
Quelque chose frôla son épaule. Elle serra les dents, la douleur revenant brutalement. Avec beaucoup de mal, elle se redressa et ouvrit les yeux.
Un cheval. Sur un cheval. Un orc tirait la monture. Un filet de sang s'échappa de ses lèvres entrouvertes, la faisant hoqueter violemment. Un objet ou une personne la bloquait dans une position inconfortable, douloureuse même. Elle décida de ne pas parler, gardant ses forces pour rester éveillée.
Observant ses mains livides serrées sur la selle, elle entreprit de se pencher sur l'encolure du cheval, ce qui lui permettrait de libérer son dos des contusions qu'elle lui faisait subir étant inconsciente, et de soulager l'affreuse tension dans ses reins.
La pulsion revint, lui déchirant les entrailles, mais elle tint bon. Une fois effondrée contre la crinière de l'animal, elle cessa de bouger.
Le froid ne fut bientôt qu'un vague souvenir. Floradel profitait de la chaleur dégagée par la bête pour lentement se requinquer, et, même si marcher lui serait impossible pendant encore plus d'un mois, au moins ne décéderait-elle pas pendant le voyage.
Sauf si l'orc décidait de la manger, ou de ne pas lui donner de quoi se nourrir.
A peine eut-elle pensé cela que ses sens s'engourdirent à nouveau, et elle sombra dans des songes troubles.

Le trajet se faisait lentement et dans un silence de mort. L'humain semblait lutter contre le sommeil mais il y arrivait avec peine. Il était anéanti par la fatigue mais tentait de garder conscience. L'humaine quant à elle avait semblé bouger. Bariök n'en était pas sûr mais il lui avait semblé voir au coin de l'oeil un mouvement d'où était l'humaine. Cela était une bonne chose de la voir vivante mais cela l'étonna énormément de la savoir en vie.

"Comment avec une telle blessure peut-elle survivre?"

Pensant à ce phénomène étrange, il ne baissait tout de même pas sa garde. Des gobelins pouvaient encore rôder dans les parages. Le siège s'était fait il y a peu et il est fort possible que certains soient resté pour dépouiller les victimes. Une embuscade pour survenir à tout moment. Malgré leur allure, ils s'approchaient de la cité. Une odeur forte de brulé planait dans l'air et par-ci par-là on pouvait distinguer que le sol avait été labouré par un grand nombre de personnes.

Plus la cité semblait se rapprocher, plus Bariök appréhendait une attaque. Dans l'était où ils étaient, c'est-à-dire deux blessés, ils n'avaient aucune chance de s'en sortir. Ces saletés de gobelins se battaient une lâcheté lamentable et à tout moment on pouvait craindre de se faire poignarder dans le dos. Cette manière donnait envie de vomir à l'orc. Le seul moyen de se battre avec honneur et dignité était un face à face, épée dans la main. Les autres moyens utilisés étaient pour les faibles.

Le groupe sortit enfin de la foret et arriva en face de la cité en feu...

En feu n'était pas exactement le mot. En effet il y avait du feu mais celui-ci provenait du haut des puissantes murailles de la cité, là où des archers plus aguerris avaient réussis à projeter quelques traits enflammés, où alors des toits de chaumes aux abords des murs.

Léandre regarda avec consternation les quelques deux-cent gobelins survivants de l'attaque du fort, se jeter de toutes leurs forces contre les hautes portes, essayant de pénétrer d'une quelconque manière à l'intérieur de la cité. Du haut des dits remparts, les soldats d'élites faisaient un véritable carnage, enchainant les flèches et les tirs au fusil tandis qu'un bataillon composé des quelques mages d'élite de la cité carbonisaient les créatures vertes.

Comment ces imbéciles avaient-ils pu croire une seule seconde qu'en étant aussi peu nombreux et aussi mal équipés, ils pourraient prendre l'une des plus puissantes forces de Keiter? Certes de puissants combattants étaient morts au fort mais les gobelins étaient quasiment quatre ou cinq fois plus nombreux qu'eux alors que là toute la garnison de la ville était sur place, secondée par des mages de haut niveau.

Devant le massacre, Léandre ne put s'empêcher d'éprouver une sorte de tristesse. Il aurait aimé venger lui-même Dimitri et tous ceux tombés au combat. Au lieu de ça, il était blessé, incapable de tenir correctement son épée et accablé de fatigue. Mais il ne voulait pas sombrer dans le sommeil. Il voulait d'abord que ces sales bêtes meurent... jusqu'au dernier! Alors il se tint droit sur le cheval, luttant contre son propre corps pour ne perdre aucune miette du combat.

Personne ne sut comment les gobelins parvinrent à cet exploit. Cependant, la porte principale finit par céder sous les assauts. Les bêtes poussèrent un cri de joie. Dans les rues de la ville, ils pourraient se battre plus aisément, se cacher, farfouiller, tuer des innocents... Exactement ce que leurs maîtres voulaient. Leur joie fut de courte durée lorsqu'ils se heurtèrent à la herse qui protégeait l'entrée.

Léandre se demanda également pourquoi ils s'acharnaient à attaquer l'entrée principale au lieu de chercher un autre moyen. Bah après tout ce n'était que des gobelins. Devant le peu d'ennemis, les gardes n'avaient même pas pris la peine d'allumer les canons. Il n'y avait de toute façon aucune victime dans leur rang ou simplement deux trois maladroits qui s'étaient trouvés au mauvais endroit au mauvais moment.

Il dut s'arrêter d'observer le combat, plié en deux par une douleur assez violente au niveau des côtes. Vivement que les monstres soient éliminés qu'il puisse rentre chez lui.