L'après midi touchait à sa fin, mais il faisait encore bon dehors et Ingrid savourait paisiblement les derniers rayons de soleil qui venaient caresser sa peau. Devant elle s'étendait à perte de vue d'immenses étendues de verdure que le vent doux de la fin de journée venait faire danser.
Elle soupira d'aise. Quelle belle journée!
Se décollant de l'arbre sur lequel elle s'était adossée, elle partit en quête de sa mère qui devait être allée se promener un peu plus loin. Un sourire illumina son visage quand elle reconnu sa silhouette, devant elle. Ingrid se mit à courrir - en riant - à cause du frottement produit par les herbes hautes sur ses mollets nus.
Comme sa mère lui tournait le dos, elle l'appela, mais elle ne reçut aucune réponse. Peut-être était-elle encore trop loin pour que sa voix se fasse entendre. Tant pis, ce sera encore bien plus drôle de lui sauter dessus par surprise!

Elle l'avait presque rejoint quand le paysage changea brusquement autour d'elle. La plaine luxuriante se dessécha et se ratatina à vue d'oeil sous ses pieds, tandis que le ciel prenait une teinte lugubre. Prise d'angoisse, la petite fille appela de nouveau sa mère, des sanglots dans la voix. Pourquoi ne l'entendait-elle pas? Ingrid était pourtant à quelques pas à peine. Quelques pas qui semblaient des lieues. Bien que ne bougeant toujours pas, elle sentait sa mère...partir. Elle hurla de nouveau son nom, la supplia de rester, de ne pas la laisser. Pourquoi sa mère l'abandonnait-elle dans ce lieu si effrayant?
Son coeur se serra, et tous ses membres se firent lourds et douloureux.
Que se passait-il?
La petite fille fondit en larmes, recroquevillée au sol. Elle ne se souvenait pas être tombée.

Des pas se firent entendre près d'elle. Elle releva la tête et vit le visage souriant de sa mère.
Elle n'était pas partie! Elle ne l'avait pas abandonné! Ingrid voulut se jeter dans ses bras quand le sourire chaleureux se transforma en rictus malsain. C'est alors qu'elle réalisa que la personne qui se trouvait face à elle était un chérubin, une de ces ignobles créatures qui réduisirent le monde de Keiter en esclavage.
Qu'avaient-ils fait de sa mère?
La créature s'approcha d'elle, un poignard à la main et un horrible sourire accroché au visage. Ingrid recula mais percuta une pierre et s'étala de tout son long. L'autre approchait toujours, et elle voyait la lame de bien trop près maintenant pour ne pas voir venir avec elle la fin de sa courte vie. Fermant les yeux, elle implora une dernière fois sa mère.


Une douleur sourde dans le creux de l'estomac la fit se plier en deux, à moitié étouffée. Ingrid toussa et cracha, tenant son abdomen d'une main. Efficace comme réveil...

-Debout feignasse!

Elle n'essaya même pas, elle en était totalement incapable, elle le sentait.
L'autre lui empoigna les cheveux et la tira vers le haut d'un coup sec. Elle crut bien que son cuir chevelu n'y resisterait pas. Serrant les dents et se mordant la lèvre, elle tenta de ne pas crier.

-Debout j'ai dit! Y'a du boulot qui t'attend, alors bouge toi!

Dès que le chérubin l'eut relaché, elle retomba sur le sol comme une poupée de chiffon. Sa résistance physique atteignait ses limites. Elle ne tiendrait pas deux jours supplémentaires comme ça.

-On dirait que la petite fille est en manque de sa môman.

Ces mots percutèrent la jeune femme plus violemment que tous les coups qu'elle avait pu recevoir depuis qu'elle avait atteri dans ce cachot puant. Son regard meurtrier fusa jusqu'à un gobelin adossé à une des parois qui la regardait de toute sa petite hauteur, d'un air narquois et absolument insupportable. Toujours avec ce petit air supérieur, il entreprit de répéter les cris qu'avait poussé Ingrid dans son sommeil, y ajoutant une gestuelle ridicule qu'il devait sans doute trouver du meilleur comique.
Le sang de l'ancienne mercenaire sauvageonne et impulsive ne fit qu'un tour. Rassemblant tout ce qui lui restait de force, elle se rua sur l'impertinent et le roua de coups, y mettant toute la haine qu'elle pouvait trouver en elle, c'est à dire beaucoup.

Malheureusement, les gardes n'étaient pas assez loin pour ne pas être attirés par les cris que poussait la pitoyable créature.

-Hé toi! Tu sembles avoir de l'énergie, viens par ici j'ai de quoi t'occuper.

Il arracha Ingrid de sa 'proie' et la traina jusqu'à une salle connexe. Epuisée par sa folie furieuse tout juste passée, elle ne résista même pas. L'homme la jeta littéralement dans la pièce qu'elle traversa de moitié avant d'aller percuter le mur d'en face dans un joli roulé-boulé.
Etrangement, elle ne sentait presque plus la douleur, à force.
Se redressant avec peine, elle eut le temps de jeter un regard assassin au chérubin qui referma la porte dans un grand fracas métallique.

Une main se posa sur son épaule.

-Ca va?

Elle releva les yeux sur son interlocuteur et s'écarta dans un hoquet de surprise. Ce visage ne lui était pas inconnu! Comment...

L'endroit ressemblait plus ou moins à une cave. Il y faisait moite, humide, le sol dégageait une odeur désagréable. Soloa n'attendait pas ici par pur plaisir. Dans l'ombre, repliée dans sa cape, elle guettait le moindre mouvement. Sa respiration s'était presque tue, et elle parvenait à ne pas bouger du tout, comme une statue de marbre. Noir sur noir, elle restait invisible. Bientôt. Cela ne devait plus tarder.

Des haussements de voix derrière la lourde porte de bois, des bruits de pas. Le battant s'ouvrir à la volée et l'humaine qu'elle traquait alla rouler dans la pièce. Puis l'obscurité revint, quand l'hôte fut parti.

Depuis une semaine, Soloa épiait tous les faits et gestes de la maisonnée, avec un objectif qu'elle remplirait aujourd'hui. La jeune femme était utilisée comme esclave pour toutes les tâches ingrates, comme dans les autres bâtisses de la ville. Cela faisait le dix-huitième esclave qu'elle libérait, toujours de la même méthode barbare. Elle espérait que sa tactique finirait par payer, de toutes façons, son plan ne pouvait échouer.

Elle se leva silencieusement et s'approcha de la jeune femme. Elle tremblotait, n'avait pas beaucoup de force, et comme tous les autres, semblait avoir été battue.

-Ça va ?

Soloa se voulait rassurante. Après tout, elle avait le même aspect, voire même un aspect plus rebutant encore, que les tortionnaires de la petite. Il fallait qu'elle l'accepte, qu'elle accepte de l'aide. L'appel de la liberté la convaincrait, tous les humains y cédaient toujours.

-Je me nomme Soloa Sessi Shei. J'espère que tu ne parles pas le chérubin comme je parle l'humain, la signification de mon nom risquerait sinon de te terroriser. Je viens pour te libérer.

L'accent était parfait, la diction tout autant. En six ans, Soloa avait incorporé la langue et la culture à merveille, tout en gardant ses racines. Si sa faculté à se battre s'était amoindrie et qu'elle se sentait de plus en plus fatiguée de ses pérégrinations, elle pouvait cependant être fière de ce qu'elle avait accompli: comprendre les humains, leurs traditions, alors que ceux-ci la fuyaient, et qu'ils étaient un peu plus chaque jour aliénés par ses semblables. Depuis qu'elle maniait cet outil qu'était la parole, tous les humains lui accordaient leur confiance. Les autres chérubins parlaient mal, ou avec des accents désagréablement âpres. La voix de Soloa calmait par sa douceur et sa bienveillance, même si dans son esprit, il n'en était rien. Elle était restée la même Démone que six ans auparavant, seulement la fougue de la jeunesse avait laissée place à l'intelligence acérée et redoutable d'une chérubin dans la force de l'âge, prête à cueillir toutes les occasions. Et celle-ci, comme les dix-huit précédentes, l'approcherait plus encore de son but. Bientôt, bientôt. Six ans pour lui enseigner la patience, et elle parvenait enfin à maîtriser ses désirs et ses envies. Peut-être que le fragment de pierre ne faisait plus effet, aussi...

-As-tu la force de te mouvoir ?

Ingrid ne comprenait pas très bien. Cette chérubin, elle la reconnaissait, elle l'avait vu il y a six ans lors de la grande bataille qui déchira Keiter. Tous les chérubins se ressemblent, ils sont tous aussi cruels et laids, mais celle-ci l'avait marqué plus qu'un autre. C'était elle la plus sauvages. Elle se rappelait encore avec des frissons sa façon presque mécanique de supprimer tout ce qui se trouvait sur son passage, et de prendre plaisir à le faire. Mais surtout, elle reconnaissait là une adversaire, dont son corps ne se souvenait que trop bien également. Elle restait d'ailleurs persuadée qu'elle ne devait sa survie qu'aux blessures dont était déjà accablé le monstre et à sa parfaite maîtrise de la fuite.
Alors que faisait-elle ici, dans ce trou à rat, parmis les esclaves et les torturés? Ne devrait-elle pas être avec ses semblables, victorieuse, festoyant dans les ruines du champ de bataille géant qu'était devenu le monde?

-Je me nomme Soloa Sessi Shei. J'espère que tu ne parles pas le chérubin comme je parle l'humain, la signification de mon nom risquerait sinon de te terroriser. Je viens pour te libérer.

Si le cadre n'avait pas été si morbide, Ingrid aurait volontier cru à une mauvaise blague. La libérer? Pourquoi cette chérubin voudrait-elle la libérer? Et puis d'ailleurs, comment s'y prendrait-elle? C'était tout simplement ridicule. Elle la menait en bateau, c'était certain. A quoi jouait-elle?

-As-tu la force de te mouvoir ?

On aurait pu s'y tromper tant le ton était doucereux. Mais Ingrid n'avait pas perdu ses vieilles habitudes et se mit aussitôt sur la défensive. La scène avait quelque chose d'anormal, de presque... comique.
Elle refusait de croire que son ancienne ennemie puisse lui proposer sérieusement de s'enfuir d'ici. Un enfant de deux ans aurait sentit le piège. C'était trop... gros. Impossible d'avaler ça!
Mais n'était-ce pas sa seule chance? Si elle refusait cette main tendue, aurait-elle de nouveau l'occasion de tenter une évasion?
Bien sûr! Elle ne l'avait pas attendu pour songer à se tirer de là. Mais tous ses plans avaient échoués. Soloa connaissait-elle un moyen sûr? Comment le savoir sinon accepter son offre?

Pouvait-elle faire ça? Pouvait-elle coopérer avec cette... chose?!

Quoi qu'il en soit, elle était actuellement trop faible pour tenter quoi que ce soit, alors autant essayer d'en savoir plus. Elle essaya de poser sa question le plus neutrement possible, mais un fond de haine tenace sourdait encore dans sa voix.

-Qu'est-ce que tu me veux?

-Qu'est-ce que tu me veux?

Soloa s'attendait à cette question. L'humaine semblait plus que méfiante. Quoi de plus normal et d'habituel ? Tous l'avaient été. La démone laissa ses lèvres se fendre d'un fin sourire, qui s'il avait été visible dans la pénombre, aurait inspiré plus de confiance que de peur. Elle savait ce qu'elle faisait, et connaissait les rites qui permettraient d'endormir la jeune esclave.

-Je viens te libérer, je n'attends rien de toi. Peut-être as-tu eu vent des esclaves qui tuaient leurs maîtres avant de disparaître dans la nature, c'est courant ici. C'est ce qui va se dérouler dans cette maison

Soloa se releva lentement, sa cape retombant contre ses flancs, masquant son corps encore vif. Elle sortit une lame de son fourreau et l'observa un instant dans la vacillante lueur venue d'une escarcelle dans la hauteur du mur. Sous la porte filtrait des ombres avec les rayons venant de l'extérieur. Sans doute une torche ou un feu. Soloa connaissait les plans de la bâtisse comme si elle y avait habité.

-Je vais assassiner tes oppresseurs un à un, leur trancher la gorge. Cela sera ta vengeance. Puis je sortirais de la maison en te traînant et te molestant comme si tu étais mon esclave. Mes semblables penseront cela normal. Nous irons ainsi jusqu'à la sortie de la ville et nous nous éloignerons. Ensuite, je te donnerais des instructions que tu suivras comme la parole de tes dieux. Tu auras de quoi survivre pendant une journée. Je m'assurerais que tu ne sois pas suivi.

Soloa fit une pause, se retourna vers son interlocutrice et décala sa cape au niveau de ses hanches afin de laisser apparaître un sabre crénelé aux motifs ancestraux, une arme volée sur le cadavre d'un chérubin sans doute noble.

-Je t'offrirais de quoi te défendre. Es-tu prête ? As-tu peur ? Pose tes questions tant qu'il est encore temps.

Puis elle se plaqua contre la porte et écouta les bruits qui en parvenaient, étouffés. Bientôt, ils reviendraient pour lui donner du travail, à cette esclave. Quelle ne serait pas leur surprise.

La dernière esclave qu'elle avait libérée s'était laissée faire, sans forces ni courage. De ce que Soloa avait compris, la muse avait été violée et brutalement battue à plusieurs reprises, et ses yeux vides s'étaient remplis de haine quand la chérubin avait mis son plan à exécution. Mais désormais, sans doute, la muse pouvait préparer sa vengeance et, inconsciemment, servir les intérêts de Soloa. Tout était compliqué, mais cela serait efficace. Les hommes et autres peuples de ces terres réagissaient tous de la même manière. Le sourire ne quittait plus les lèvres livides de la chérubin.

Ingrid scrutait le visage de la chérubin du mieux qu'elle pouvait dans l'obscurité ambiante. Elle semblait bien être sincère. Pourtant, cela allait tellement à l'encontre de toute probabilité!

-Pourquoi faites-vous ça? M'aider... Qu'est-ce que vous pouvez y gagner?

Et moi, qu'ai-je à y perdre?

La petite pensée pernicieuse qu'elle ne put empêcher de venir résonner dans son esprit brisa enfn sa résistance factice. On lui offrait de se tirer de ce trou et elle hésitait? Qu'importe si son auxiliaire était une chérubin ou non - même si elle ne s'y faisait toujours pas - elle ne pouvait refuser une chance aussi inespérée.
Elle lança de nouveau un regard perçant à Soloa, qui souriait toujours de façon troublante. Cela n'était-il qu'une énorme farce? Ca y ressemblait. A corps défendant, elle fit part de sa décision à ce qu'elle allait désormais devoir considérer comme une alliée, au moins le temps d'une évasion.
Elle décida également qu'elle tutoierai désormais la chérubin. Hors de question de lui laisser penser qu'elle la considérait comme son supérieur. Si son asservissement à cette race maudite devait prendre fin, autant commencer tout de suite.

-Je suppose que tu ne vas pas prendre la peine de me répondre. Peu importe. Je te suis.
Je ne te fais toujours pas confiance mais je ferais ce que tu me demanderas jusqu'à ce qu'on soit sortie d'ici. Inutile de préciser que le plus vite sera le mieux.

Et que le spectacle commence...

-Pourquoi faites-vous ça? M'aider... Qu'est-ce que vous pouvez y gagner?

Soloa avait autorisé les questions, mais pas de ce genre. Elle la balaya d'un revers de la main. Ses affaires et intérêts ne devaient pas être connus de tous. Son sourire bienveillant ne s'effaça pas pour autant.

-Je suppose que tu ne vas pas prendre la peine de me répondre. Peu importe. Je te suis.
Je ne te fais toujours pas confiance mais je ferais ce que tu me demanderas jusqu'à ce qu'on soit sortie d'ici. Inutile de préciser que le plus vite sera le mieux.

-Et bien, allons-y.

A peine ces paroles prononcées, Soloa fit un écart et tira la porte violemment. Elle se précipita dans le couloir illuminé d'une torche, qu'elle saisit en guise de seconde arme. Un gobelin paniqué recula en braillant, la chérubin le bloqua contre un pan de mur avec grande satisfaction. Il se débattit apeuré, elle lui entailla sans mal la gorge qui émit un gargouillis désagréable. Créature stupide.
Le cri rameuta la maisonnée. Tandis que Soloa grimpait les escaliers, elle dut faire face au premier problème. Un grand chérubin musclé, au visage effilé et à l'œil de requin. Il portait une tunique ample de couleur pourpre, des bracelets ésotériques et un pendentif quelconque. Ce fut tout ce qu'elle vit avant de se ruer droit dans son ventre, faisant une percée que son adversaire ne put éviter. Il brandit vaguement son épée en s'effondrant. Celle-ci glissa les marches en même temps qu'un sang de la couleur de la magnifique robe du défunt.
La progression de la chérubin fut encore entravée par la femme de maison, une grosse gourde au visage flasque et à la graisse affaissée. Elle cria tandis que la démone lui décochait un coup de pommeau qui en aurait fait vacillé plus d'un, et quand le gémissement de l'immonde pachyderme se tût, Soloa lui avait enfoncé son arme jusqu'à la garde dans le ventre.
Elle s'arrêta en haut des marches de pierre, et regarda autour d'elle. Le silence. Finalement, elle n'appréciait plus autant ces massacres. Cela calmait ses nerfs, sans plus. Boucherie gratuite. Même le sang n'apaisait plus ses craintes, ne nourrissait plus son fragment. Elle soupira. Bientôt, elle regretterait presque ses meurtres. Ironie du sort ? Quoiqu'il en soit, elle finirait son plan, qu'elle aie à se dire de plus en plus que la retraite ferait du bon ou non. Un sentiment acerbe de honte mélangé à de la moquerie vibra à ses oreilles. Soloa, cultiver des patates, quelle idiotie!

-Viens là. On va sortir.

Elle saisit sa "prisonnière" et l'envoya balader sans aucune douceur dans la porte d'entrée. Celle-ci s'ouvrit en pivotant sur ses gonds rouillés, et elles se retrouvèrent toutes deux sous une pluie fine mais bien décidée à les humidifier jusqu'aux sous-vêtements.

-Et bien, allons-y.

Et elles y allèrent... violement.
Sans doute la chérubin tenait-elle à entretenir sa réputation de bouchère. Pour une fois pourtant, Ingrid fut plutôt contente d'avoir une machine à tuer à ses côtés dans cette expédition.
En passant, elle jeta un coup d'oeil au corps sans vie et poisseux du gobelin. Etrangement, cette vision lui fit beaucoup de bien.

Soloa la précédant dans les escaliers, elle ne vit rien de ce qu'y s'y déroula mais trouva un corps de chérubin mort quand la voie se libéra. Ce corps sansvie fit également son effet sur le moral de la jeune femme. Jusque là obligée de suivre la chérubin comme un vulgaire petit toutou innofensif, elle profita de l'occasion pour 'emprunter' son épée au soldat mort qui n'en aurait, de toute évidence, plus besoin. Il était hors de question qu'elle se laisse 'sauver' comme un enfant. Elle aussi avait des comptes à régler et un besoin lugubre de verser le sang.

A l'ouïe, elle comprit que Soloa se battait encore avec quelqu'un, plus haut dans les escaliers. Ingrid se surprit à lui en vouloir de ne pas la laisser se battre. A l'intérieur d'elle-même, elle bouillonnait d'une rage qu'elle n'avait encore jamais ressentie. Heureusement, la chérubin ne faisait pas dans le suspens et le combat fut aussi bref que son issue prévisible. Elle la rejoint en haut des marches et contempla avec elle la pièce vide. Son regard s'attarda sur le cadavre d'une femme éventrée. Bien que plus que morte, Ingrid ne put réprimer une soudaine et violente envie de se jeter sur elle et de la lacérer de coup.
Elle eut peur d'elle même et se força à chasser cette image de son esprit. Il fallait qu'elle se ressaisisse. Que lui arrivait-il? Son comportement dépassait le légitime besoin de vengeance. D'ailleurs, à bien y réfléchir, il n'était pas question de vengeance. Plus maintenant. C'était juste un besoin. Une envie irrépressible de percer la chair, de voir couler le sang.

Ingrid se serrait balancée elle-même contre un mur si Soloa ne venait pas de le faire.
Ses pensées l'affolaient et elle avait envie de hurler. Serait-elle un monstre elle aussi? Ne valait-elle pas mieux que les chérubins qu'elle maudissait?

Le mur qu'elle avait percuté, et qui se trouvait en fait être une porte s'ouvrit sur l'extérieur sous le choc. Dehors, une fine pluie glaciale les accueilla. Ingrid espéra que cela lui rafraichirait l'esprit et chasserai toutes ces horreurs de sa tête, mais dès que des bruits de pas se firent entendre, le goût du sang revint. Elle essaya de lutter, de calmer cette pulsion nouvelle et effrayante, en vain. Dès que des bottes apparurent au coin du baraquement où elles setrouvaient précédement, son sang se mit à pulser si fort dans ses veines que ça en devenait douloureux. Une petite voix dans sa tête la convaint que le seul moyen de calmer la douleur était de faire couler le sang. Elle ne put résister plus longtemps. Avec un cri de rage poussé plus contre elle que contre son adversaire dont elle ignorait l'identité, elle se jeta sur ce que son esprit identifia comme sa 'proie'.
A moitié en transe, Ingrid voyait son corps réagir à des pulsions qu'elle ne contrôlait pas et qui lui faisait peur, mais qui, au fond, la grisait. Ses mouvements - malgré sa longue captivité - n'avaient rien perdu de leur précision et de leur force. Non, ils étaient même meilleurs qu'avant. Ses techniques de combat semblaient décuplées.
Et quel plaisir, tout ce sang!
Quand elle eut ramené sa victime à un petit tas de chair morte, elle souriait bêtement, satisfaite. Son crâne ne lui faisait plus mal et la voix s'était tut. Elle se sentait si bien...

La pluie trempa instantanément Soloa. Les fines gouttes dégoulinaient sur sa cape et la lame acérée qu'elle tenait de sa main serrée, blanchie à toutes les phalanges. La rue pavée descendait dans l'obscurité. L'air glacial attaqua les narines de la chérubine qui jeta un regard noir à l'esclave qu'elle venait de lancer à travers la porte. Celle-ci semblait dans une transe étrange, happée par sa rage et son envie de vengeance, prête à étrangler le premier qui se présenterait. Et ce fut le cas:
Une silhouette déboucha du coin de la maison, et avant de pouvoir se volatiliser, elle gisait à terre, la femme au dessus d'elle avec une épée inconnue.
Soloa l'observa un instant. Qu'est-ce qui lui prenait ? Elle venait de tuer un chérubin, tout leur plan tombait à l'eau! Son plan du moins. Une esclave qui...

-Qu'est-ce qui te prend ?

Mais les yeux vitreux qui lui répondirent coupèrent Soloa dans son élan qui s'avançait vers elle. Quelle idée de la libérer finalement, cette idiote !
La démone tourna les talons. Hors de question de se faire repérer maintenant. Elle cracha en s'éloignant rapidement, cachant sa figure de la capuche noire de sa cape, et s'enfonça dans Suden, abandonnant cette traître à son sort.



Soloa remonta la rue en rageant et maudissant tous ces humains dont le caractère était à la fois trop prévisible, et à la fois totalement illogique. Paradoxal. Pourquoi fallait-il qu'ils possèdent des réactions démesurées ? Heureusement que l'épée que cette -elle ne trouvait pas de mot en keiterien ou en chérubin pour qualifier cette ...- était tâchée de sang: elle serait accusée du meurtre de ses maîtres, et la démone continuerait de passer pour une honnête et dévouée chérubine. Rien n'en était moins sur.
La pluie cinglait son visage tandis qu'elle pressait l'allure dans les faubourgs déserts de Suden, en direction de sa minuscule chambre de bonne au dessus des baraquements militaires. Quel échec!

Ingrid ne comprit pas vraiment la réaction de la chérubin. D'ailleurs, elle s'en moquait éperdument. Elle n'avait qu'à s'en aller, elle n'avait plus besoin d'elle. D'accord, elle l'avait aidé à s'enfuir comme elle l'avait promis - et cela restera définitivement une énigme pour l'ancienne mercenaire - mais maintenant que c'était fait, elle n'avait nullement l'intention de continuer à la suivre.
Elle se retourna, prête à suivre son propre bonhomme de chemin, mais buta sur quelque chose de mou. Baissant les yeux, elle vit un corps mutilé ayant dû appartenir à un chérubin.
Complètement éventré, le cadavre laissait ses entrailles se répandre sur le sol humide, grossissant les flaques alentour de son sang, qui s'échappait également de son membre supérieur droit pratiquement arraché et de son crâne explosé. Sur le visage crispé pendait lamentablement la machoire totalement démontée de l'individu. Le spectacle était absolument insoutenable. Il n'y avait qu'un monstre de la même espèce pour commettre de telles atrocités. Etait-ce pour cela que Soloa s'était enfuie?

C'est toi qui a fait ça.

Non...Non! Ingrid aurait voulu hurler à la voix qui lui répétait ces mots de se taire. C'était impossible, elle n'avait pas pu commettre un tel crime. Elle ne pouvait pas s'être acharnée à ce point. Et puis, elle n'aurait jamais eu le dessus face à un chérubin. C'était impossible, impossible.
Pourtant des images commençaient à revenir, et bien qu'elle s'obstina à nier sa part de responabilité dans ce carnage, elle du bientôt se rendre à l'évidence: elle avait tué ce chérubin. Et elle avait pris plaisir à le mutiler de la sorte.

Elle fut prise d'une soudaine envie de vomir.

Se tirer loin de là. Vite.
Ses instincts de femme malhonnête venaient de reprendre le dessus. Ne jamais rester sur les lieux d'un crime était une règle de base à ne jamais oublier. Mais où aller dans une ville sous domination ennemie? Priant tous les dieux de Keiter de forcer le hasard en sa faveur, elle enquilla dans une ruelle, slalomant entre les faques pour éviter que le bruit de ses bottes ne s'accompagne en plus d'éclaboussures sonores. Après environ deux cent mètres de fuite aveugle, elle décida qu'elle avait pris assez de risques comme ça et qu'il valait mieux ne pas trop tester sa chance.
Se plaquant dans un renfoncement de mur humide, elle se concentra pour appeler son don.

L'ouïe fine se déclencha quelques minutes après, assaillant l'esprit d'Ingrid de centaines de sons amplifiés. Grimaçant un peu de passer soudainement d'un calme sinistre à une explosion de bruits en tout genre, elle attendit un peu le temps de s'adapter à son nouvel environnement sonore puis commenca à trier.
Elle supprima tout ce qui avait trait aux animaux ou aux bruisements végétaux et se concentra sur ce qui s'apparentait à des voix ou des bruits de pas. Il y en avait beaucoup, et c'était une sensation bizarre que de les entendre si près de soi alors que les personnes à qui ces attributs appartenaient devait se trouver à plusieurs dizaines de mètres.
Rétrécissant son champ auditif, elle constata avec soulagement que personne ne se trouvait autour d'elle dans un rayon de cinq mètres. L'être vivant le plus proche se situait environ à sept mètres sur sa gauche. Elle avait également repéré un groupe plus loin devant elle.

Le danger n'était donc pas imminent, mais elle préféra continuer un peu sur sa droite, sa cachette n'étant pas l'idéal en cas d'attaque. Et puis elle détestait se trouver dos à un mur. Ca limitait trop les possibilités de fuite, et elle avait fait de la fuite une philosophie de vie à laquelle elle devait beaucoup. Elle pointa le bout de son nez dans la rue et vérifia machinalement que la voie était libre avant de longer les murs dans la direction choisie.
Arrivée à un croisement, elle allait tourner à gauche quand une main lui écrasa la bouche et la tira en arrière.

Merde! Pourquoi elle l'avait pas repéré celui-là? Elle essaya de se débattre mais rien n'y fit, l'homme était trop fort pour elle.

Le prêtre eut un rire intérieur désagréablement amer. Il avait toujours voulu voir Suden, la Grande et Merveilleuse Suden. Quel carnage! Devant lui ne se trouvaient plus que des ruines de ce qui avait été une des plus belles cités de Keiter. Et encore les ruines valaient-elles mieux que ces ignobles bâtiments chérubins qui recouvraient une bonne partie de la ville. La simple évocation de cette race impie faisait bouillir de rage le sang de Jared. Il ne mourrait pas sans avoir fait tout ce qui était en son pouvoir pour éradiquer cette vermine.
Mais l'heure n'était pas au suicide, et il ne devait pas se laisser emporter par ses émotions. Il était assez intelligent pour parfaitement savoir qu'il n'avait aucune chance face aux chérubins. Pas seul. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il était venu ici. On lui avait indiqué à Suden plusieurs rebelles soumis à l'esclavage chérubin. Sa mission n'avait rien de simple: libérer ces esclaves. Cependant, il devait le faire. D'une part parce que l'esclavage lui était absolument insupportable, d'autre part parce qu'ils avaient besoin de tout le monde pour se battre.

Depuis qu'il était entré dans la ville, il avait déjà 'exploré' deux entrepots où il savait être gardés des esclaves, mais malheureusement, il n'y trouva que des cadavres et des aliénés. Après leur avoir à chacun adressé une prière, il s'en était allé, le coeur un peu plus douloureux encore.
Il eut un peu plus de succès quand il pénétra dans une maison à moitié détruite par le feu et consolidée grossièrement par des planches branlantes. Après de rudes efforts pour convaincre les prisonniers, il parvint à en faire s'échapper deux qui rejoignirent les montagnes où se trouvait un groupe de rebelles prêt à les accueillir. Les trois autres, plus terrifiés par leurs bourreaux qu'attirés par la liberté préférèrent rester. La mort dans l'âme, Jared dû se résoudre à les abandonner là. S'il traînait trop, les chérubins qu'il avait réussi à éloigner allaient revenir et tout cela n'aurait servi à rien.
Mais s'il réussi à disparaître avant le retour des tortionnaires, ceux-ci se rendirent très vite compte de l'absence de deux de leurs captifs. Et ils n'eurent pas à questionner longtemps les trois restant pour avoir le détail de toute l'histoire.

Voilà donc qu'il se retrouvait avec les chérubins à sa recherche. Il avait à faire deux fois plus attention maintenant. Heureusement que ses dons étaient là pour lui porter secours!
Il était d'ailleurs en pleine concentration pour ne pas lâcher le son muet quand il entendit quelqu'un courir droit sur lui. Normalement, le don devrait suffir pour qu'il ne se fasse pas repérer, mais si l'ombre pouvait devier un tout petit peu sa trajectoire... S'il ne pouvait pas l'entendre, il allait bien finir par lui rentrer dedans!
Au dernier moment, et alors qu'il se préparait déjà à un affrontement inévitable, il reconnu dans le fuyard une humaine, et un geste reflex l'attrappa littéralement au vol avant de la ceinturer et de la bayonner. Ce n'était pas très élégant comme approche, mais il n'avait plus le temps, ses poursuivants ne devaient plus être loin maintenant.
Malheureusement, la jeune femme - qu'il apparenta immédiatement à une espèce de lionne - appréciait très peu sa nouvelle captivité et le lui faisait sentir.

-Mais calme toi donc! Tu vas finir par nous faire prendre tous les deux.

Les quelques mots, prononcés dans un souffle, les dents serrées par l'effort qu'il devait effectuer pour maintenir sa captive en paix, eurent plus d'effet que ce que Jared avait espéré. La sauvageonne s'arrêta net de bouger, bien qu'il la sentait toujours tendue comme un arc. C'était sûr, à la moindre occasion, elle filerait. Mais s'il pouvait prolonger sa vie de quelques minutes, il n'aurait rien à regretter.
Pour prouver ses bonnes intentions, Jared dessera un peu son emprise, tout en maintenant assez la jeune femme pour lui interdire toute idée de fuite.
Deux interminables minutes s'écoulèrent dans un silence de mort avant que le son familier de bottes lourdes battant le pavé se fasse entendre. Quelques secondes plus tard, six chérubins armés jusqu'aux dents les dépassaient d'un pas décidé.
Jared, qui avait cessé de respirer, soupira longuement. Ce n'était pas la première fois qu'il se dissimulait ainsi mais à chaque fois la proximité des chérubins lui donnait des sueurs froides. Surtout depuis que c'était lui qu'ils recherchaient.

Le groupe ennemi avait disparu depuis longtemps quand il se rendit compte qu'il retenait toujours prisonnière l'inconnue à qui il venait de sauver la vie. Soudain géné par la promiscuité de leurs corps, il la relacha enfin et fit un pas en arrière.

-Navré pour cet 'enlèvement', mais je n'aurais pas supporté de vous voir mise en pièce par ces... 'choses'. Je suis le prêtre de Viamonsia Jared Leddon.

Un léger sourire cordial sur le visage, il s'approcha de nouveau de la jeune femme en lui tendant la main, dans une attitude d'une normalité inquiétante.

Ingrid avait tout de suite compris qu'elle n'aurait pas le dessus face à son adversaire. En temps normal, peut-être, surtout avec son métamorphisme brumaire qui constituait un précieux atout. Mais là, affaiblie comme elle l'était par la torture et son récent combat, elle était incapable d'utiliser son don, et encore moins de lutter contre les mains vigoureuses qui l'enserraient. Etrange d'ailleurs qu'elle ait pu courir jusqu'ici. Il lui semblait que depuis qu'elle avait remis son épée au fourreau, un grand poid lui était tombé dessus et une immense fatigue l'avait envahie. Aussi quand l'homme lui demanda de se calmer, elle s'exécuta aussitôt.
Ne pas se faire repérer était également le premier de ses intérêt. Et puis si cet homme, aussi inconnu soit-il, se cachait des chérubins, elle pouvait espérer s'en sortir sans avoir à le tuer.

Pourquoi le tuer? Pourquoi toujours tuer?

La jeune femme résonnait de façon inhabituelle depuis peu, et avait du mal à s'y retrouver. Etait-elle en train de devenir folle? Ou était-ce ce climat de guerre qui lui faisait voir le mal partout?
Un bruit de bottes se fit entendre. Ca se rapprochait d'eux. Vite. Elle sentit l'homme se raidir derrière elle et elle-même s'immobilisa totalement. Quand le groupe de chérubin les dépassa, elle comprit tout à fait que son 'ravisseur' venait de la sauver d'une mort certaine. A l'allure où elle allait, elle n'aurait jamais pu les éviter et se serait fait joyeusement embroché.
Mais les chérubins étaient partis maintenant, alors pourquoi l'autre ne la lachait-il pas? Elle attendit trois secondes avant de commencer à gigoter, incapable de parler à cause de la main qui la baillonnait toujours.
L'homme s'en rendit enfin compte et la relacha maladroitement.

-Navré pour cet 'enlèvement', mais je n'aurais pas supporté de vous voir mise en pièce par ces... 'choses'. Je suis le prêtre de Viamonsia Jared Leddon.

Ingrid ne serra pas la main que le prêtre lui tendait, et hocha simplement la tête.

-Je vous suis très reconnaissante de m'avoir évité une mort précoce. Si je le peux, et bien qu'il serait préférable pour vous que je n'ai pas à le faire, je ferai mon possible pour vous rendre ce service.

Elle hésita un moment avant de poursuivre:

-Je me nomme Ingrid Neels, faites-vous partie d'un de ces groupes de rebelles dont on entend parler ici, dans les rumeurs d'esclaves?

-Je me nomme Ingrid Neels, faites-vous partie d'un de ces groupes de rebelles dont on entend parler ici, dans les rumeurs d'esclaves?

Jared n'en croyait pas ses oreilles. Se pourrait-il que ce soit bien elle? Il était alors indéniable que les Dieux eux-mêmes l'avaient placé sur sa route. Il n'aurait jamais pu penser la trouver si facilement.

-Ingrid Neels? C'est bien vous? Oui... Oui vous correspondez parfaitement à la description que l'on m'a donné. Aha! Je prierai ce soir pour les Dieux qui m'ont permis de vous sauver la vie et d'accomplir ainsi ma mission.

Le prêtre était tout à sa joie, et souriait avec bonhommie. Ingrid de son côté, était complètement larguée.
Elle en était resté là, les bras ballant. Que, quoi, hein?! aurait très bien pu résumer ses pensées en ce moment précis. Mais la belle ne se laissait pas longtemps impressionner. Recroisant les bras sur sa poitrine afin de retrouver une attitude un peu plus digne, elle s'adressa à son sauveteur de sa voie d'inquisitrice.

-Deux minutes, comment savez-vous qui je suis? Et pourquoi me recherchiez-vous? Qui vous a envoyez à moi?

Le prêtre souriait toujours. Mais c'est qu'il commençait à lui taper sur les nerfs! Il allait répondre oui? Ce n'était pas comme s'ils se trouvaient en terrain hostile!

-Oui oui on m'avait prévenu pour 'ça' aussi. Aha... tout à fait charmant.

Il doit être fou, c'est pas possible. Il faut toujours que je tombe sur des attardés... Raaaah!

Mais Jared cessa soudain de sourire quand un bruit de vaisselle brisée se fit entendre dans une maison voisine. L'homme se rappela où ils étaient, et surtout là où ils n'auraient pas dû être.

-Venez, il faut partir d'ici. Je vais tout vous expliquez en chemin.

N'ayant pas tellement le choix, Ingrid le suivit. Méfiante par habitude, elle se détendit peu à peu en constatant avec satisfaction que l'homme savait ce qu'il faisait. Ses techniques de déplacement étaient soigneusement étudiées pour toujours avoir le plus large champ de vision possible et le moins d'espace vide dans le dos. Méthode appréciée et pratiquée également par la jeune femme, qui reconnu au moins cette qualité au prêtre.
Arrivés à proximité du poste de garde de l'entrée nord de la ville, ils s'arrêtèrent derrière un amas de rondins de bois pour se concerter sur la marche à suivre.

-Madame il faut que je vous communique certaines choses avant de continuer. Je vous ai déjà dit que j'étais prêtre. Vous devez savoir que je ne suis pas seul. Lorsque les chérubins ont débarqués sur le continent, nous nous y attendions plus ou moins. Enfin disons que notre Déesse nous avait fait part de ses prémonitions quant à un éventuel danger qui risquait d'arriver d'ici peu. Ne remettant jamais en doute la parole de nos Dieux et faisant grand cas de leurs réflexions, nous nous sommes préparés imperceptiblement à subir une attaque, bien que nous ignorions tout de sa nature. Aussi quand Sal envahit Keiter, nous fûment plus prompt à réagir et pûment évacuer les lieux rapidement et sauver un grand nombre de nos frères et soeurs. Malheureusement, nous n'eûment pas le temps de venir en aide aux glorieux combattants de Suden qu'ils n'étaient déjà tombés sous le joug de notre ennemi. C'est pourquoi aujourd'hui il est de notre devoir en tant que survivants libres de cette guerre de venger nos camarades et de leur rendre leur honneur et leur liberté. Et nous pouvons maintenant espérer y arriver, puisque je vous ai trouvé!

Le visage de Jarod s'illumina de nouveau de ce sourire énigmatique qu'il avait déjà eu l'occasion d'afficher plusieurs fois au cours de cette nuit.

Ingrid était un peu abasourdie qu'on lui donne du 'madame' mais surtout elle ne voyait pas trop où voulait en venir le prêtre. Elle savait tout ça.

-Oui, oui je suis d'accord avec vous, et je suis prête à vous aider, mais une chose m'interpelle cependant. Pourquoi croyez-vous avoir tant besoin de moi? Je ne sais même pas qui vous êtes mais vous semblez me connaître, et le pire, c'est que vous semblez croire que je puisse changer les choses, alors que je ne suis rien qu'une pauvre mercenaire et une piètre espionne. Enfin, étais.

-Alors vous ignorez tout de votre situation? Je ne pense pas être le mieux placé pour vous expliquer de quoi il retourne, et je ne saurais pas d'ailleurs comment m'y prendre. Alors ce qu'on va faire, c'est qu'on va sortir d'ici et rejoindre le groupe qui nous attend plus loin dans la forêt, d'accord? A mon signal, suivez-moi.

[RP soumis à des modifications ultérieures, écrit en collaboration entre les deux joueurs.]

"-Ce qu'on va faire, c'est qu'on va sortir d'ici et rejoindre le groupe qui nous attend plus loin dans la forêt, d'accord? A mon signal, suivez-moi."

Comme si j'avais le choix...

En ce moment précis, Ingrid aurait pourtant donné beaucoup pour pouvoir se payer le luxe d'une de ses petites crises de 'je fais ce que je veux d'abord foutez moi la paix je vous hais tous'. Oui elle le haïssait, cet homme de foi qui se permettait de faire des mystères. De quel droit d'ailleurs? S'il savait quelque chose la concernant qu'elle ignorait, il se devait de le lui dire! Elle ne supportait pas ces demis-secrets, ces non-dits à moitié dévoilés. C'était tout bonnement insupportable. Une fois dehors, il allait avoir intérêt à se mettre à table!

[HRP:Les règlements de comptes arriveront plus tard]