C'était un de ces jours comme Keiter en voyait depuis des années maintenant. Un de ces jours où même le soleil n'osait se montrer. Un de ces jours qui annonçait souffrance et tristesse. Un de ces jours que Shaara n'appréciait pas plus que les autres. Juchée sur une colline surplombant la forêt, la chérubin semblait attendre quelque chose, ses yeux gris scrutant inlassablement la cime des arbres. A côté d'elle, "Pristule" s'ébroua bruyamment mais ne bougea pas. Sa robe était peut-être moins soyeuse et son port de tête moins altier mais malgré son âge, le destrier tenait encore vaillamment sur ses pattes et sa fidélité à sa maîtresse et à la Pierre n'avait pas de limite. Une superbe selle de cuir noire ornait son dos mais la jeune femme préférait rester debout. Elle attendait encore.

Bientôt, une silhouette se manifesta à travers le couvert. Un autre chérubin, plus grand qu'elle apparut, visiblement seul. Il portait une imposante armure aussi noire que sa peau était pâle. Ses cheveux d'albâtre lui arrivaient aux épaules et quelques mèches barraient son visage aux yeux d'un bleu glacé. A son côté pendait une simple épée et dans son dos, un bouclier de métal. Tous deux étaient tâchés de sang. Il pressa le pas en sortant du bois et ne tarda pas à s'agenouiller devant la chérubin:
-Quelles nouvelles Zehir?
-Il n'y a qu'un seul survivant selon vos ordres.
-Où sont les autres?
-Je les ais précédés. L'humain a tenté plusieurs fois de mettre fin à ses jours et ils ont eu quelques problèmes pour le neutraliser.

La chérubin lâcha un soupir dédaigneux. Ce n'était qu'un humain. Robuste et censé être en bonne forme mais un humain quand même. Son évasion avait été très contrariante et la décision sans appel. Étant le meneur, il serait le seul à être puni en public. Les autres serviraient de pâture aux charognards. De son point de vue personnel, elle aurait préférée torturer chacun des évadés séparément mais leur petite troupe était trop peu nombreuse pour ramener autant d'esclaves:
-Tu as bien travaillé Zehir. Tu peux disposer.

Le chérubin se releva et s'aligna derrière son commandant. Shaara pensait qu'il aurait lui même pu faire un excellent capitaine. Fort, plutôt fin stratège et un goût prononcé pour le massacre... Si seulement il avait été soumis. Il faisait parti de ces chérubins refusant la domination de la Pierre. Mais c'était également le genre d'homme qu'on ne peut tout simplement égorger et laisser sur le pavé. On lui avait donc forcer la main en incrustant le petit fragment dans sa chair. Sur son torse plus précisément. Les effets s'étaient rapidement manifestés et il était devenu le bon petit soldat qu'elle connaissait actuellement. L'attente reprit mais ne fut pas trop longue. D'autres chérubins ne tardèrent pas à émerger du sous-bois, trainant avec eux un humain en piteux état.

Ses vêtements n'étaient plus que des loques, son visage était boursoufflé d'hématomes et diverses écorchures recouvraient chacun de ses membres. Ses cheveux étaient longs, crasseux et emmêlés et il était pieds nus. On le fit s'agenouiller devant Shaara et une main gantée de fer l'obligea à la contempler en face. Un sourire aux lèvres, la jeune femme s'approcha, le vent faisant valser ses cheveux directement dans le visage de l'esclave: elle s'adressa à lui en chérubin
-Dis moi humain. Me comprends tu?

Elle n'obtint pour toute réponse qu'un regard haineux et deux trois insultes qu'elle ne comprit pas. Se résignant à adopter la langue humaine, elle reprit d'une voix légèrement croassante due à l'accent:
-Homme! As tu peur de la mort? As tu peur de mourir?
-Vous me répugnez! Saloperie de lopette de...

L'un des chérubins lui enfonça violemment son poing dans l'estomac, interrompant l'homme dans sa tirade avant de lui resoulever la tête d'une main ferme. Shaara reprit alors sa langue natale, jugeant toute tentative de communication inutile. La majorité des esclaves avaient de toutes façons été obligée d'apprendre les rudiments de ce dialecte pour survivre:
-Ta faute est grande l'humain. Tu as fomentée une rébellion. Tu as assassiné tes surveillants et ton maître avant de t'enfuir avec tes complices. Ils sont morts maintenant. Pour eux, l'enfer est terminé mais pour toi...

Elle savoura ce silence et ferma les yeux. Lorsqu'elle les rouvrit, ses pupilles vibraient sous l'effet de sa propre folie tandis que sa Pierre émettait de faibles pulsations:
-Il ne fait que commencer!

Tout ce qu'elle obtint fut une tentative de crachat qu'elle interrompit à temps en flanquant un violent coup de poing dans le nez de son prisonnier. Elle avait déjà été humiliée une fois de la sorte mais cela ne se reproduirait plus. Ignorant le sang qui coulait et les gémissements de douleurs de l'humain, elle fit un geste en direction de ses hommes:
-Thalia... Couteau.

Une des chérubins s'exécuta prestement et dégaina un long couteau avant de le lui tendre. Shaara s'en empara et en éxamina rapidement le tranchant:
-Puisque tu es aussi prompt à te servir de ta bouche... Je m'en vais te donner un petit aperçu de ce qui t'attends.
-Madame...
-Oui Zehir? On m'a ordonné de le ramener en vie... Pas intact.

Le colosse se tut et reprit sa place. La chérubin donna quelques ordres rapides et deux de ses soldats immobilisèrent la tête du rebelle avant de lui maintenir la bouche ouverte. D'une main leste, Shaara introduisit la pointe de l'arme dans l'orifice avant de découper lentement la langue de son prisonnier, savourant chacun de ses cris. Aucun des soldats ne bougea tandis que l'homme se débattait comme il pouvait sans pouvoir échapper à la morsure de la lame, ses cris déchirant résonnant dans l'air plutôt frais de cet après-midi peu ensoleillé. L'ennui quand on ne voit pas bien ce que l'on fait, c'est que le résultat n'est pas très propre... La lame entailla de nombreuses fois le morceaux de chair, dérapant sur les dents, entaillant l'intérieur des joues et les gencives, s'enfonçant parfois un peu trop profondément dans la gorge... Une trop forte pression fit même gicler un filet de sang sur le visage de la chérubin, trop occupée pour le remarquer. Enfin, l'organe céda et la chérubin s'en empara fièrement avant de le jeter. L'homme fut relâché et se plia en deux, crachant un long filet de sang sans cesser de hurler. La chérubin éclata d'un rire glacial avant de décocher un violent coup de pied dans le visage de l'esclave. Elle s'essuya rapidement les mains dans les loques de sa victime avant de lui cracher, méprisante, dessus. Aucun de ses hommes n'avait cillé. Rendant son couteau à Thalia:
-Attache le à ma selle. Un peu d'exercice lui fera du bien.

Quelques minutes plus tard, le petit groupe se remettait en marche en direction de Fenz, trainant un esclave en piteux état derrière eux:
-Madame...
-Je t'écoutes Zehir.
-N'avez vous point oubliée...
-La convocation d'Irvin? Non je n'ai pas oubliée Zehir. C'est pour ça que nous nous dirigeons maintenant vers Fenz.
-Veuillez m'excuser.

La chérubin ne répondit rien. Sitôt arrivée à Fenz, elle se débarrasserait de son colis avant de rendre visite à Irvin. Songeuse, elle passa le reste du trajet à se demander ce que pouvait lui vouloir le général.