"Et là je lui ai enfoncé mon marteau dans le crâne!"

Le lourd poing du chef des gardes de Fenz retomba sur le comptoir alors qu'il disait ces mots, faisant trembler les bouteilles et les chopes des autres accoudés au bar. La salle écoutait de l'air attentif des ivrognes le récit de sa lutte contre une garnison d'orcs, il y avait quelques années déjà. Garl Berrack aimait cette histoire, non seulement parce qu'il l'améliorait toujours un peu plus à son avantage mais parce qu'elle savait porter tous les regards sur lui. Et s'il y avait une chose que la brute blonde aimait c'était bien que l'on s'interesse à lui. Du revers de sa grosse main il rejetta ses cheveux un peu longs en arrière, les laissant retomber de chaque part de ses joues, encadrant son visage bourru.

- Alors, qu'est-ce que vous dites de ça? hmm?!

Il avait toujours ce ton imposant et fort qui faisait trembler les objets et les hommes. Dans une cohue générale, tous les clients affirmèrent à grand coup d'exclamations et de claquements de chopes combien le garde était un héros. Il eu un sourire satisfait en les voyants se battre sa reconnaissance.

- Ah mais vous n'y connaissez rien...tout ça c'était le bon temps! Où les armures luisaient et où les épées faisaient un boucan d'enfer! Pas un de vous ne pourrait se battre à mes côtés désormais!

La salle lui répondait déjà en s'offusquant ou en plaisantant, les plus grisés relevaient leurs manches pour lui montrer leurs maigres muscles sales. Ravi de se savoir maître d'une foule, petite mais déjà une foule raisonnable, Garl leur relança des mots comme l'on lance une part de viande à un chien que l'on souhaite dresser.

- Mais après tout vous n'aurez plus à combattre, je veille à ce que plus rien ne vienne perturber notre bonne vieille cité de Fenz! Allez patron! une tournée! A vous tous mes vieux!

Son rire fort et lourd, représentatif de toute sa carrure et son être, ne parvint pas à couvrir les hurlements de joie au milieu des chopes de bierre mousseuse. Tous sentaient l'alcool plus que de permis et les deux malheureuses serveuses peinaient à se frayer des chemins parmis les clients qui n'étaient pas en manque de remarques grivoises. Garl en avait d'ailleurs repéré une, blonde et frêle, et il attendit son passage près de lui pour l'attrapper et la poser sur ses genoux, sans prendre beaucoup de délicatesse. Sa mine boudeuse semblait vouloir dire qu'elle n'étais pas vraiment d'accord avec ces manière mais Garl s'en fichait, elles étaient là pour ça non? Ce n'était que des serveuses après tout. En un autre moment il aurait pû lui faire regretter cet air bouguon face à lui, Garl Berrack, Chef des Gardes de Fenz, que tout le monde respectait. Beaucoup avant elle lui avaient cédé.
La jeune femme gémit et il se rappella qu'il la fixait dans le vert de ses yeux depuis un peu trop longtemps. Mais l'attention qu'on lui avait porté, l'admiration qu'on lui avait fait et l'ambiance générale qui était à l'amusement ne rendirent pas Garl brutal, il l'a laissa s'en tirer avec un simple baiser volé. La serveuse sauta precipitamment de ses genoux pour aller se cacher plus loin dans le fond de la salle, se noyer parmis les admirateurs béhats et ivres.

Il détourna la tête. La fente de sa bouche s'étirait en un sourire fier et hautain. Il était fier de lui, de son statut, de sa force, de sa puissance dans cette taverne, ce soir là exactement. Et le lendemain recommencerait la routine, les tours de garde, la formation des jeunes nouveaux et le reste. Jamais il n'y avait d'ennemis. Tant mieux. Tant pis.

Il fini sa bierre et regarda vers la fenètre. Les carreaux étaient tout petits, l'ensemble ressemblait à un quadrillage de cul de bouteilles. On ne voyait clair qu'au centre même des carreaux, ce qui donnait à la fois du charme à la taverne mais qui rendait aussi plus dur la detection des gens dehors. Plusieurs taverne avaient gardé ce genre de verre pour les fenêtres, par esthetique ou par économie, même si on avait appris à faire de larges vitres lisses depuis quelques temps...
La nuit était plutôt claire, peut-être la lumière de la taverne qui s'étendait à la rue? Il n'y avait pas âme qui vive ce soir dans les rues, un chariot parfois, un voyageur à cheval à d'autres moments. Mais dans l'ensemble c'était plutôt calme. Garl eu un petit rire étouffé en pensant que tout ce calme n'était dû qu'a lui. S'il était roi il nommeraît quelqu'un comme lui à un plus haut rang, avec plus d'honneur, c'était certain. Garl se laissa aller à ses pensées en continuant de regarder dehors tandis que la bierre suivante lui était servie.

Le messager entra sans prendre garde à l'odeur du tabac, de la chicane et de l'alcool, et chercha des yeux le "roi" des gardes. On lui avait dessiné un homme bourru, grand et fort, aux cheveux plutôt long pour son poste. Il toisa chaque occupant de la taverne avant de se tourner vers le bon.

-Garl Berrack ? Message urgent du Palais.

Il s'approcha à grand pas du garde et lui tendit une lettre parfaitement scellée, ressemblant à des ordres de mission. Si seulement Garl avait su que cela concernait les attaques de gobelins au nord avant de l'ouvrir...

Garl vit arriver sous son nez une enveloppe avec un cachet rouge sang. Rien de bon en perspective. Il remercia d'un grognement le messager et commença à ouvrir la lettre.
Le papier céda sous ses doigts et revela bientôt son contenu.
Un ordre de mission. Des Gobelins repérés au Nord. Du côté d'Avoriaz.

Mais qu'est-ce qu'il en avait à faire de cette ville d'abrutis? Qu'ils se débrouillent, ils étaient assez grands... Mais la lettre ne s'arrêtait pas là. Ses supérieurs lui donnaient l'ordre de préparer la ville à une possible vague de ces créatures sur Fenz. De plus des renforts devaient être envoyés. Voilà qui changeait la donne. Hors de question que sa ville soit touchée par ces immondes créatures. De plus s'il voulait une promotion il fallait qu'il montre ses compétences de guerrier et qu'il revienne en héros. Cette petite bataille tombait à point finalement...

Il posa la lettre et l'enveloppe éventrée sur le comptoir, l'air pensif. Du moins aussi pensif que son visage bourru et imbus de lui-même pouvait le permettre. Les clients habituels continuaient de se chamailler et d'échanger bruyamment mais il n'y faisait plus attention. C'était une grosse mission qu'on lui donnait, il ne fallait pas faire les choses au hasard. Il décida d'aller à la caserne en parler aux soldats et leur donner un aperçu de la situation.
La patron de la taverne cessa d'essuyer une chope pour accepter les quelques pièces que Garl lui donna. Le chef des gardes salua l'assemblée, prit son casque et sorti de la taverne.
Il remonta la rue dans le noir, avançant vers la tour carré près du rempart. Ses pas résonnaient, solitaires, sur le pavé sale. Il tourna une fois, une seconde fois, tentant de garder une route droite vers la caserne.

La porte en fer de la caserne se présenta enfin et Garl pût entrer. Là, entre deux poutres, deux gardes jouaient aux cartes sur une table en bois simple, éclairés par les grosses bougies postées sur plusieurs chandeliers dans la salle. Il les salua. C'était deux de ses lieutenants.

- J'ai reçu un ordre de mission. Ca vient d'en haut, enfin vous voyez de quoi je parle. Les Gobelins attaquent. Pour l'instant ils sont sur Avoriaz mais c'est chiens demandent du renfort. Comme si on avait pas besoin de nos hommes pour nous défendre nous. Bon, on a pas le choix, il va falloir y aller. Je compte sur vous, il va falloir bien préparer la défense de la cité mais aussi les renforts. Les meilleurs archers resteront ici, mais j'emmenerais avec moi les meilleurs cavaliers. Demain nous allons faire une annonce et les préparer.
Il laissa une pause avant de reprendre en donnant un coup de menton vers leur jeu de
cartes:
Je vous laisse, réveillez moi s'il y a quoi que ce soit, enfin comme toujours quoi. Bonne garde.

Sur quoi il s'avança vers l'escalier en bois au fond de la salle et commença à monter les marches une à une vers son logement. En tant que chef des gardes il avait hérité d'un petit appartement dans la tour de la caserne qui, bien qu'un peu rustre, avait un certain charme et lui donnait un sentiment de haut-rang. Ravi de retrouver son chez-soi, il alla s'allonger sur sa couche et ne mit pas longtemps avant de s'endormir profondément.

Le messager entra brutalement, essoufflé, et regarda la mansarde avec des yeux hagards. Quand il eut repéré, dans le lit, l'homme pour lequel il venait de courir plusieurs centaines de mètres de couloir, et parcourir plusieurs lieux à cheval, il se jeta dessus en le secouant et braillant.

-MONSIEUR MONSIEUR MONSIEUR LEVEZ VOUS VITE LEVEZ VOUS !

Puis avant même que Garl ne puisse se mettre sur ses pieds, il lui agita sous le nez un papier froissé et trempé de sueur où cinq phrases étaient notées d'une écriture fine.

Citation :

Je suis Floradel Sarah Kemane Eni Keeha, Intendante d'Avoriaz et représentante des Mages Noirs en Keiter. Le conseil de Fenz m'a donné toute autorité sur vous pour les deux prochains jours, avec votre garde. Vous êtes réquisitionné, armes et vie, au fort de Chens, endroit où vous vous présenterez dans la journée du 12 de Dephunia au sergent en chef Kor Melan. Votre devoir est d'épauler les nombreuses troupes déjà présentes contre une invasion de gobelins venue du nord. Vos supérieurs et les corps d'armées d'Avoriaz et de Fenz feront route avec vous.

Sincères sentiments distingués.

Le Chef de la garde de Fenz fut réveillé pratiquement aussitôt après s'être endormi, lui sembla-t-il, d'une main vigoureuse. Il entendit qu'on lui hurlait de se réveiller mais dans les brumes du sommeil il ne comprit pas tout de suite ce qu'il arrivait. Finalement il réussi à replacer une image à peu près nette de l'homme crasseux, cavalier assurément vu l'odeur forte de cuir et de cheval en sueur, lorsque celui-ci lui mit sous le nez un papier froissé. Clignant plusieurs fois des yeux, Garl tandis ses doigts vers le message et commença lentement à le lire. Pris de panique après sa première lecture, il en refit une seconde pour se rassurer et trouver exactement ce qu'il avait à faire. Ce papier était annonciateur de son apocalypse mais peut-être aussi son sauveur.

Il relut lignes par lignes, analysant chaque phrases:
un message de Floradel gnagna, Intendante d'Avoriaz et representante des mages noirs, il ne savait pas qui elle était exactement, il en avait eu seulement vent, mais c'était du lourd. Par contre de quel droit Avoriaz se permettait de venir le chercher dans son lit?
Le conseil de Fenz lui avait donné tout droit sur lui et sa garde. Tiens il n'avait pas remarqué cette ligne à le première lecture. C'était donc ça.
Il devait aller à un fort paumé pour massacrer du gobelin. Lui et ses supérieurs.
Garl se demanda comment des petites bestioles stupides pouvaient-elles faire autant de dégâts, mais il ne pris pas la peine de se poser plus de question quand il vit la date à laquelle il était attendu.

Il sauta dans ses bottes, poussa sur le côté le messager, et parcouru en deux grands pas la piece pour attraper la cloche posée à côté d'une fenêtre.
De cette endroit il avait une vue sur la cour interieur du fort entourée par les dortoirs, la salle d'armes et les écuries. Un poste parfait pour rassembler tout le monde en somme. De sa grosse main il agita nerveusement la cloche qui tinta fortement de son son grave et réveilla efficacement tout le voisinage. Ses deux lieutenants de garde ouvrirent violemment la porte, les mains sur le manche de leurs épées. Les soldats à moitié habillés et tout autant réveillés se regroupèrent en vitesse dans la cour, le visage levé vers Garl.

Il prit la parole d'une voix forte:

- Soldats, un grand danger guette nos terres. Avoriaz réquisitionne les troupes de Fenz pour venir les épauler dans la lutte contre la menace gobeline. Nous devons être prets le plus vite possible, ils nous attendent au fort de Chens d'ici de 12 de Dephunia.

Des murmures paniqués commencèrent à émaner de la foule organisée de la cour.

Silence s'il vous plaît! La situation est grave, pas sans danger bien sûr, mais pas déséspérée. Nous allons chevaucher avec nos supérieurs et les troupes d'Avoriaz. Et nous partons MAINTENANT! Que chacun prenne ses armes et enfile son armure, tous à l'écurie, et que ça saute!

Rouge d'avoir autant hurlé bien que sa large carrure lui permette d'avoir une voix forte, Garl se retourna vers ses lieutenants sans pouvoir réprimer un souffle un peu haletant.

- Gylh, Karan, vous venez avec moi. Avec nous. Je vais avoir besoin de vous. Nous laisserons ici l'autre...comment s'appelle-t-il déjà?
- Nocan? Mais il est encore tout jeune, aucune experience, il vient d'être nommé et...
- Parfait, ça lui en donnera de l'experience. On le laisse ici avec 5 hommes, de quoi faire une petite équipe pour gerer la surveillance et la sécurité de cette ville en notre absence.
- M'enfin Garl c'est qu'un gosse...
- A lui de nous montrer qu'il n'en est plus un. Bon descendez vous occuper des hommes, je vais mettre mon armure.

Garl n'aimait pas laisser sa ville seule, encore moins avec ce jeune empoté de Nocan, mais "à la guerre comme à la guerre", comme on disait. Il beugla le nom de son ecuyer qui servait surtout de bonne à tout faire dans le fort et lui ordonna de l'aider à s'habiller. Du haut de sa tour, il vit que les troupes de ses supérieurs, plus imposantes, se rassemblaient déjà à l'exterieur de la ville.

Fin prêt, il descendit en vitesse les escaliers et se hâta vers les écuries pour monter sur son cheval et rejoindre aussi vite que possible les troupes déjà prêtes qui les attendaient.